Raconter l’Histoire par la photographie, telle est la mission du photoreporter.
Plus que de simples illustrations, ces photos sont des éléments d’information à part entière. Sur place, au cœur du sujet, le photoreporter sensibilise le public, suscite une émotion, et alerte.
Mettre en lumière des conflits oubliés, telle était la mission pour laquelle militait Camille Lepage.
Jeune photoreporter angevine, elle a dédié sa vie à photographier des conflits, notamment en Centrafrique et au Soudan.
Cliquez pour découvrir le parcours hors-pair de Camille LEPAGE.
C’est en juillet 2012 qu’elle découvre l’importance de la crise au Soudan du Sud. Face à un conflit peu médiatisé, elle s’empare de son objectif pour raconter les victimes oubliées.
Elle fait part de son souhait de couvrir des zones délaissées et de partager des images de régions du monde oubliées. Elle gagne la confiance des populations, des sources d’informations, et son travail se voit récompensé, publié dans des grands médias.
En décembre 2012, elle s’installe au Kordofan du Sud, pour couvrir les bombardements dont sont victimes les Monts Nouba.
Malgré l’interdiction de l’aide humanitaire et des journalistes, Camille décide de photographier la famine importante que subit la population, réfugiée dans les grottes pour échapper aux bombardements.
Son engagement sur le long terme est félicité. Elle capte l’horreur des conflits, se met à l’écoute, va au contact, et alerte sur le sujet bien avant sa médiatisation. Vivre au milieu de la population lui a permis une intimité, retransmise dans ses photographies.
C’est avec les mêmes objectifs en tête ; rendre compte au monde des conditions des populations en conflits oubliés, qu’elle s’installe en octobre 2013 en République Centrafricaine (RCA). Une guerre civile vient d’éclater, un coup d’Etat mené par la Séléka, groupe rebelle musulman, sème le chaos dans le pays.
Les Anti-Balakas, milices paysannes, ont pris les armes pour se venger des exactions et meurtres commis sur la population. Une tentative de coup d’Etat échoué des Anti-Balaka sera le départ des massacres des civils sous fond de vengeance.
Camille Lepage avait alors écrit : “À travers mes images, je veux montrer l’escalade de la violence, puis ses conséquences pour la population.”
La couverture de ce conflit permettra une prise de conscience et une sensibilisation de l’opinion publique en Occident. Camille témoigne par l’image, mais son travail récompensé lui fait prendre des risques.
En RCA, des menaces de mort sont proférées envers les journalistes, et deux journalistes sont tués le 29 avril 2014.
Le 12 mai 2014, alors qu’elle se rend dans l’Ouest de la RCA, dans la région de Bouar, Camille est assassiné à moto. Elle avait 26 ans.
Accompagnée d’un convoi anti-Balakas, les motos ont été attaquées alors qu'elles se rendaient au village de Gbambia, pour un autre reportage de Camille. Quatre autres personnes seront tuées dans l’attaque.
Le matin, elle avait photographié les attaques de mercenaires de l'ex-Séléka, lourdement armés, contre un village. Aujourd’hui, les circonstances de sa mort restent encore floues et aucun coupable n’a pu être désigné.
Pour cette passionnée de photographie qui aura œuvré toute sa vie pour couvrir des zones de guerres peu médiatisées, la mairie d’Ecouflant a tenu à lui rendre hommage.
L'allée “Camille Lepage” dans le quartier Provins d'Ecouflant a été inaugurée le vendredi 31 mai 2024, suivie de la projection du film biographique “Camille” réalisé par Boris Lojkine.
Dans l’allée éponyme, une exposition pérenne, de 7 photographies de Camille, est affichée. Une autre exposition, temporaire, avec 70 de ces photos est actuellement exposée à la Grange d’Eventard, du 8 au 16 juin 2024.
En 2014, sa famille a créé l’association Camille Lepage - On est ensemble, qui a pour but de poursuivre l’engagement de Camille, sauvegarder ses travaux journalistiques et soutenir financièrement les photojournalistes.
Cet hommage permet aussi de rendre compte de la situation du métier de journaliste dans le monde. Entre censure, otage, prison et assassinat, le souci de l’information est en danger.
Et les chiffres de Reporters sans frontières démontrent le problème : en 2022, 61 journalistes ont été tués dans le monde, dans le cadre de leurs fonctions. En 2013, ils étaient 143.
Entre 2003 et 2022, près de 600 journalistes ont été tués dans l’exercice de leurs fonctions. À l’heure où nous écrivons cet article, 521 journalistes sont détenus en prison dans le monde et 54 journalistes sont retenus en otage.
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Reportage produit par Radio G!
Écriture, tournage, montage: Elisa ORY
Supervision: Fahadi AHAMADA